Depuis son avènement tonitruant au XIXe gothique, la littérature d’imaginaire ne cesse d’interpeller le lecteur et le critique. Du fantastique exploitant la peur et la « radicale étrangeté » à la fantasy qui teinte le médiéval de magie, en passant par une science-fiction qui ne cesse d’extrapoler sur l’avenir et précède toujours d’un pas les innovations technologiques, l’imaginaire se présente comme le plus mutable et le plus protéiforme des « mauvais genres ». À une époque où les clivages entre les littératures vont s’amenuisant, où le polar et la littérature générale empruntent de plus en plus volontiers des éléments constitutifs du surnaturel, il est particulièrement passionnant de se pencher sur un mode d’expression qui tient ses masques et ses codes du mythologique, du religieux, des peurs inconscientes, des tabous immémoriaux et du désir de merveilleux. Qu’est-ce qui nous parle à ce point dans les vampires, les fées, les magiciens, les savants fous et leurs monstres ? Quel plaisir, quelle nécessaire catharsis, trouvons-nous à frissonner devant les créatures de Stephen King, et à laisser nous traverser le souffle épique d’un J. R. R. Tolkien ? Que trouvons-nous dans ces éléments d’altérité qui nous parlent toujours, irrémédiablement, de nous ? Quelles valeurs de courage et de résilience, quelles transgressions des interdits sociaux, quelle exaltation de notre grandeur ou de notre bestialité ? Onze spécialistes des genres de l’imaginaire se penchent sur ces mondes si différents en apparence, de la littérature gothique au conte de fées, des thèmes et auteurs récurrents du genre à ses plus récentes évolutions, de l’écrit au cinéma, du mythe aux arts graphiques, pour cerner cet ensorcellement du monde qui répond à un besoin profond de nos imaginations et, au-delà, de nos sociétés.